A l’instar des « blockbusters » américains, nous aurions pu intituler cette mission « LA LEGION 2 ».
En effet, après la très réussie mission du mois de juin de cette année, nous avons le plaisir d’être à nouveau conviés en Balagne par le 2e REP, à l’occasion de la passation de commandement entre le Colonel TRITSCHER et le Colonel THOMAS (1).
Lundi 18 juillet :
La mission débute sous des auspices très agréables : le décollage prévu à 10h30 laisse à l’équipage tout le loisir de procéder aux divers préparatifs et à la « PPV » (visite pré-vol) de l’avion sans précipitation désagréable.
La météo annonce un temps de curée (2).
Après un briefing extrêmement détaillé présenté par Christian, la Grise quitte Marignane à 10h45. Nous bénéficions d’un vol touristique à 1500 pieds tout le long du littoral, jusqu’à la hauteur de St Tropez, où nous mettons le cap sur la Corse. Un bref survol maritime, er nous atterrissons sur l’aéroport de Calvi-Sainte Catherine – LFKC (CLY code OACI) à 12h00.
Nos amis légionnaires nous y attendent et le déchargement de la soute de l’avion (qui contient les lourdes caisses de pièces détachées) est rondement mené.
Pas de perte de temps, juste le temps de manger un sandwich, et Xavier, notre chef largueur, entame la formation des largueurs légionnaires aux particularités des largages depuis le Noratlas. En effet, ce seront les chefs largueurs et largueurs militaires qui assureront les sauts.
La « RAT » (Réunion Air-Terre) entre les parachutistes et l’équipage de l’avion a lieu à 13h30, à la suite de quoi les choses sérieuses peuvent commencer.
Le programme de l’après-midi prévoit 5 rotations : 4 rotations de sauts à ouverture automatique (SOA) à 300 m de hauteur au-dessus de la zone de saut qui jouxte le Camp Raffali, puis une rotation de parachutes à ouverture commandée retardée (SOCR). Chacune des rotations nous permet de larguer 14 voiles, limite imposée par les assurances, alors que le Noratlas est prévu pour larguer 30 parachutistes.
Nous embarquons les sticks dans la zone dite du « pélicandrome », réservée à l’approvisionnement des bombardiers d’eau.
La durée des rotations est parfois rallongée, car il nous faut partager l’unique piste en 18/36 avec le trafic commercial local : avions de lignes (Corsair et Air France) et aussi de luxueux avions privés. L’avion attend parfois au sol que la piste se libère, ou bien va « stacker » du côté d’Ile-Rousse quand il est en l’air. Dès qu’ils le peuvent, les équipages de ces avions ne manquent pas de venir nous saluer, et découvrir un avion d’une autre ère, qu’ils ont rarement la chance de voir de près.
Les rotations se terminent sans encombre vers 17h30, mais pas question pour nous de nous reposer : il faut bien compléter l’essence consommée depuis ce matin, et l’avitaillement de 2000 litres de 100 LL depuis le camion-citerne local, à la pompe légèrement capricieuse, retarde d’autant la perspective de la douche tant espérée.
Heureusement, Calvi n’est pas très étendu, et nous rejoignons rapidement l’hôtel Cyrnéa à l’accueil si familial.
Pour clôturer cette journée, nous avons l’honneur d’être invités à la réception donnée à l’occasion de la passation de commandement dans les salons de la caserne Sampiero de la Citadelle de Calvi. Nous avons fière allure, dans notre tenue d’apparat du Noratlas de Provence (chemisette blanche et pantalon bleu marine), et passons une soirée bien agréable sur la terrasse de la citadelle qui domine toute la rade de Calvi depuis plus de mille ans. Les rencontres sont multiples et nous donnent l’occasion de mieux faire connaître notre association
Mardi 19 juillet :
Journée importante, car c’est le grand jour de la passation de commandement au Camp Raffali entre le Colonel TRITSCHER et le Colonel THOMAS.
Lever à 5h du matin, pour être au pied de l’avion à 6h30. En compensation, la Légion nous approvisionne en café-croissants, et nous savourons ce petit déjeuner sous l’aile de l’avion en admirant le soleil levant derrière les montagnes corses . Moment magique !
Photo centrale : © Journal numérique Stampa Paese/Kevin Guizol
Nous commençons par une rotation « classique » de 14 « OA ». Après le largage, répétition de la manœuvre qui devra être réalisée lors de la cérémonie : notre pilote largue les 6 chuteurs qui devront poser leurs voiles sur la place d’armes, puis il prend ses marques pour le passage sur le camp Raffali. Le tout devra être minutieusement synchronisé avec le déroulement de la cérémonie. Dans le Camp, chacun vérifie le moindre détail et tout sera prêt à temps.
Nous nous posons ensuite sur le pélicandrome pour attendre l’heure de la cérémonie officielle, puis vient le moment d’entrer en scène. Grâce aux contacts radio avec le sol, tout se déroule parfaitement, et la Grise fait une prestation remarquée par sa précision et son magnifique survol du Camp qui fait vibrer le cœur des jeunes comme celui des « anciens ».
Après l’atterrissage, il nous faut encore procéder au ravitaillement de l’avion avant de rejoindre le Régiment et tous les convives au banquet offert pour l’occasion. Les traditionnels chants de la Légion soulignent la solennité de l’évènement.
La canicule qui caractérise cet été 2022 ne nous épargne pas, et accentue la fatigue due aux rotations qui s’enchainent, touchant particulièrement pilotes et mécaniciens navigants. Heureusement qu’un équipage renforcé est prévu sur ces longues missions. Aussi l’après-midi de repos dont nous pouvons bénéficier est-il particulièrement bienvenu, ainsi que la piscine de l’hôtel.
Ce soir, nous sommes invités par la 2e Compagnie, et la soirée se passe de la manière la plus agréable.
Mercredi 20 juillet :
La journée débute très tôt comme la veille, et très vite les rotations s’enchaînent : 6 rotations de 14 OA (ouverture automatique). Nous avons l’honneur de faire sauter le nouveau, Chef de corps, qui tient à sauter avec la 1ere rotation.
La matinée se termine par une rotation mixte OA/OR qui nous donne l’occasion d’admirer la baie de Calvi sous tous les angles au cours de la montée vers le niveau 105 (10 500 pieds, soit environ 3200 mètres).
Nous prenons notre repas au bord de la piscine du CMSO, le cercle des sous-officiers, et passons ensuite aux largages de l’après-midi, qui sont une nouveauté pour le 105 : en effet, les parachutistes en OA sauteront directement dans la mer.
Les modalités de largages sont très précisément définies au cours de la RAT, notamment l’axe de largage et la zone de saut, car ceux-ci se feront dans la rade de Calvi où est amarré un bateau de croisière. Chacune des 6 rotations prévues se décomposera en 2 largages de 7 paras, chacun étant récupéré par une embarcation au moment de son arrivée dans l’eau. Le point de repère sera les cercles qui signalent l’élevage de poissons.
Les rotations débutent à 15h30, et leur durée est rallongée par le fait que l’avion doit attendre que les 7 paras soient récupérés par leurs Zodiac (un par sautant) avant de larguer les 7 suivants. Chacun souffre de la chaleur, et surtout les parachutistes qui cuisent littéralement dans leurs combinaisons en néoprène. ll y a aussi des moments d’émotion, quand les légionnaires fêtent à bord le départ à la retraite de l’un d’entre eux, avec force accolades et photos souvenirs.
De leur côté, les membres de l’équipage (du moins ceux qui le peuvent), profitent du magnifique spectacle grâce aux deux hublots aménagés à l’arrière du Noratlas. Peu d’avions offrent un tel agrément !
Nous atterrissons à 17h30, et c’est la fin de la mission. Nous sommes à nouveau invités au Camp Raffali, où nous avons l’honneur d’être chaleureusement reçus par le nouveau Chef de Corps, le Colonel Thomas avec lequel nous échangeons nos cadeaux respectifs ; celui-ci nous confirme qu’il y aura encore de nombreuses prestations du Noratlas au profit du 2e REP.
Pour terminer cette longue journée, nous sommes invités à la paillotte de la CA (Compagnie d’Appui). La chaleur de l’accueil nous touche sincèrement, et nous garderons un souvenir très fort des hommes de ce fameux «2e REP ».
Jeudi 21 juillet
Bien que fatigués, nous quitterons la Corse avec regret. Nous disons au revoir à Guillaume, l’officier TAP (Troupes Aéro Portées) et aux largueurs à qui nous remettons leur diplôme de largueur qualifié sur Noratlas.
Nous aurons fait sauter 289 parachutistes au cours de ce séjour, cela sans aucun problème ; pas mal pour un avion de 67 ans !
Décollage à 10h15 et un dernier passage sur le Camp Raffalli, et après 1h20 de vol, nous atterrissons sur la piste 31L de Marignane.
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1 - Le Colonel Thomas connait bien le 2e REP, puisqu'il a été successivement chef de section, puis commandant d'unité (4e compagnie), et chef du bureau opération et instruction. Il a participé à de nombreuses opérations sur tous les terrains avec le Régiment (Afrique de l'Ouest, Sahel, Afghanistan).
Après deux années passées à la tête du 2e REP, le Colonel Tristscher quitte Calvi pour rejoindre l'Etat-Major de la Légion Etrangère à Aubagne.
2 – Temps de curée : pour évoquer une météo sans aucun risque, les aviateurs emploient ce terme adopté par les chasseurs de la 1ere Guerre mondiale, par analogie avec la curée qui clôture la chasse à courre. Les marins semblent avoir une préférence pour une expression plus empreinte de spiritualité : « temps de curé ».
On emploie aussi l’expression d’origine britannique « CAVOK » (Ceiling And Visibility OK).