A l’occasion des 80 ans Armée de l’Air
C'est qui les héros ?... ou : « les réflexions de Papy » suivies de « Touchez pas à mon Ego »
_ « Il fut un temps, à la télévision, où l'événement tenait le haut de l'affiche. Evidemment, il y avait le gros Léon,....tu sais, Zitrone ? Il en faisait bien un peu de trop, mais c'était pour mieux mettre en valeur ce que l'on voyait dans le poste ! Moi je me souviens, le couronnement de la Reine d'Angleterre, Elizabeth II, c'était tout de même quelque chose ! Et cette façon d'articuler du Léon, ce vocabulaire! Mieux qu'au théâtre !
- Dis donc, Pépé... tu racontes tes guerres du temps de l'ORTF ? Aujourd'hui, il faut bien te dire que tout a évolué... l'affiche est en couleur. Et les présentateurs, ils sont plus cools. Tiens Marie, par exemple, elle a tout de même une autre gueule que ton Zitrone, non ?
- Ce ne serait pas la nièce du Michel Drucker, cette Marie-là dont tu nous parles ? En tous les cas, c'est vrai qu'elle est très forte… et que la technique, elle a bien évolué... parce que il n'y a même plus besoin d'être sur place pour faire le reportage...tu es tranquille en studio à Paris. et tu commentes les exploits de tes copains qui prennent, à les entendre, tous les risques... comme pour les 80 ans de l'Armée de l'Air qui se sont déroulés à Cazaux, fin juin 2014.
- Et oui Pépé, c'est ça la télé aujourd'hui.. Il faut vivre avec son temps...t'es plus dans le coup Pépé !
- Peut-être bien, mais j'ai trouvé tout de même un peu bizarre que pour fêter l'Armée de L'Air, on a surtout vu des journalistes de la télé qui tenaient la vedette.. Et puis tu sais quand on parle d'avion, il faut essayer de ne pas confondre un Mistral avec un Noratlas ! Qu'est-ce que tu dirais, toi, qui est chauffeur-routier, si on essayait de faire croire que ton trente huit tonnes, il ressemble à un cabriolet ? »
Ce petit dialogue, fictif, entre Pépé et son jeune voisin m’a été inspiré, après coup, et au summum d'une froide colère.
Je m'étais, en effet, calé dans mon fauteuil préféré en ce dimanche après-midi. Trois décennies d'Armée de l'Air, même dans le transport, cela laisse quelques traces. Et puis on allait voir la Grise, notre monument historique, faire son show. Quelle déception ! Le « Display » du Noratlas a été écourté sans explication mais de plus, à la télé, les avions qui effectuaient leur démonstration…tout ce petit monde télévisuel…et bien, il s'en foutait ! Allez comprendre ce qu'il faisait sur l'écran, le Dak qui venait d'apparaître puisque la seule chose qui l'intéressait, la Marie, c'était de savoir s'il ne les avait pas « trop serrés », le petit copain de France 2, brêlé sur son siège arrière de Rafale. Ou si l'autre qui allait sauter en parachute "en tandem" , collé par l'arrière à un athlète du pépin, était toujours aussi beau gosse ! On a eu droit à toute la descente ! Avec commentaires appropriés : Même pas peur le héros ! En revanche, on n'a jamais su s'ils avaient sauté d'un hélicoptère, d'un avion ou de la tour de contrôle, nos « rambos » des missions secrètes.
Heureusement, il y a eu l’ancien leader de la PAF qui a remis un peu d’ordre dans le commentaire même s’il lui était difficile de suivre des images quelque peu incohérentes. Enfin, c’était tout de même mieux que les roucoulades du spécialiste de la descente en tandem !
Krine est un vieux copain que j’ai connu à Salon-de-Provence, quand il était solo à la PAF en 1977 ou 78, sur Fouga. Aujourd’hui, il présente encore des zings de chez Salis. Il est facilement repérable dans les meetings : C’est le pilote qui a une moustache, blanche, relevée en pointe, comme celle des héros du film: « Ces merveilleux fous volants sur leurs drôles de machines.» De plus, il est habillé presque pareil ! En dehors de ça, c’est un sacré pilote, capable de faire voler n’importe quoi pourvu que l’engin possède un manche à balai et un siège ! J’exagère à peine mais je veux bien rajouter des ailes (biplan) et un petit moteur, une hélice et aussi une queue !
Depuis les 80 ans de l’A.A, fêtés à Cazaux, j’ai compris que Krine était aussi un philosophe un rien psychiatre, de surcroît. Il a en effet donné à l’équipage de la « Grise » - quelque peu dépité après sa démonstration écourtée pour cause d’arrivée inopinée d’un « politique » sur le terrain - un débriefing sur les « Ego » des pilotes de meeting.
Je le laisse dire (d’après mes sources) :
« Votre déception se comprend, les gars, mais bien que naturelle, il faut savoir la surmonter. Et pour cela, il faut pouvoir en analyser les véritables ressorts. En profondeur ! Chacun d’entre nous et a fortiori, quand nous sommes imbriqués dans le timing d’un show aérien, possède un « Ego ». Et nous sommes alors persuadés que le temps qui nous est imparti pour faire valoir nos propres qualités de pilotes mais aussi les performances de notre avion, est ce qu’il y a de plus important au monde. La terre doit s’arrêter de tourner car tous les yeux sont alors fixés sur les évolutions de notre couple avion-pilote. Ces quelque dix minutes deviennent donc, dans notre subconscient, essentielles, incontournables ! Mais ce n’est qu’une illusion !
C’est tout simplement notre « Ego » qui a pris les commandes. Il faut savoir atterrir, les gars, retrouver la piste. Rien de grave ne s’est produit. Juste, pour vous, un petit contre temps ! »
Que répondre après ce morceau d’anthologie ? Rien ! Quand on a affaire à un spécialiste, il faut savoir se taire et méditer.
D’autant que vous êtes accoudé au bar...
Jean-claude NOGUELLOU
(Auteur de "En équipage sur Noratlas"
Ed. "Noratlas de Provence")