Souvenirs d’une escale à Bousfer (Algérie)
Une simple photo de vacances nous donne l’occasion de revenir sur l’époque où les Noratlas constituaient la cheville ouvrière des liaisons entre l'ex métropole et l’Ouest algérien où la France maintenait une activité importante, même après l’indépendance algérienne.
« C’était fin août 1966 sur la base aérienne militaire 180 de Bousfer.
J'ai fait en août 1966 un aller-retour en Noratlas, Villacoublay-Mers-el-Kebir pour y passer un mois de vacances. C'était la première fois que je prenais l'avion, il y avait des militaires et des familles de militaires. Assis sur la banquette, je voyais la méditerranée défiler sous mes yeux par le hublot et les battants de la porte arrière laissaient un jour que je trouvais important. Autant qu'il m'en souvienne le voyage durait au moins 4 bonnes heures dans un certain vacarme, c'était spartiate mais j'en garde un très bon souvenir peut-être associé à mes vacances.
Sur cette photographie on aperçoit le début du numéro du Noratlas 62-W…, c’était fin août 1966 sur la base aérienne militaire de Bousfer qui était située dans l’enceinte de la base militaire de Mers-el-Kébir. Pour mémoire la base de Mers-el-Kébir a été évacuée en janvier 1968 et la base aérienne de soutien logistique de Bousfer mise en activité en 1964 n’a été évacuée que fin 1971 pour permettre le rapatriement vers la métropole de toute la logistique, du matériel, et des dernières troupes encore en stationnement au Sahara à Colomb Bechar.
Pour l’anecdote je suis un des deux jeunes garçons sur la photo en compagnie de ma défunte mère en tailleur vert ».
Marc Pommier
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Cette photo nous amène à faire un peu de recherche historique à propos de l’avion chargé de ce voyage ; Nous pouvons en savoir un peu plus grâce à l’inestimable ouvrage de Monsieur Xavier Capy (« Le Noratlas » – Ed. LELA), ainsi qu’au souvenir des vétérans de notre association :
En août 1966, l’immatriculation 62-W_ correspondait aux avions affectés à l’ ET 1/62 « Vercors » (Escadron de Transport n°1, 62e Escadre), stationné sur la BA112 de Reims-Champagne "Edmond Marin-La-Meslée".
Cet escadron, qui s’appelait précédemment GT 1/62 « Algérie », fut rebaptisé « Vercors » suite à son rapatriement sur le sol français le 1er octobre 1963, en conservant les Noratlas avec l’immatriculation qu’ils avaient sur la base d’Alger-Maison Blanche.
Par la suite, cet escadron fut regroupé avec l’ET « Anjou » au sein de la 62e Escadre, d’où un insigne commun apposé sur les avions (visible en agrandissant la photo). L’immatriculation des avions appartenant à l’Anjou commençait par 62-K, ceux au Vercors par 62-W.
D’autre part, la verrière à glissière du poste de pilotage indique que l'avion photographié à Bousfer était un « petit numéro », inférieur à 81.
Le Capy (toujours lui) nous apprend que 5 avions de ce type étaient immatriculés 62-W_, en été 1966 :
- N° 37 (62-WB) jusqu'au 7 juin
- N° 43 (62-WI)
- N° 54 (62-WT)
- N° 57 (62-WP)
- N° 65 (62-WH)
Si le photographe avait décalé l'appareil de 50 cm vers la droite, on aurait su lequel d’entre eux avait fait escale à Bousfer (on écrit aussi Bou-Sfer) en ce jour d’août 1966 !
Un grand merci à Marc Pommier pour ce témoignage qui gardera toujours sa part de mystère.
Lire ci-après les souvenirs de ceux qui faisaient voler la machine :
Le blason de l’ET 1/62 VERCORS, celui de la 62e Escadre de Transport, et le blason de l’ET2/62 ANJOU
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Le témoignage de François Martin, toujours pilote de Noratlas au sein de notre Association :
« Arrivé jeune pilote"macaronné" à l’Escadron de Transport « Anjou » à Reims, j’entendais parler des DETAMS (1) Bousfer en octobre 1970, réservés aux équipages confirmés dont je ne faisais pas partie.
La 62ème Escadre comprenait 2 escadrons : ET 02/62 Anjou et ET01/62 Vercors. Ce dernier était issu de l’Escadron « Algérie », surnommé ” La Borniole” - par association d’idée, je crois, avec une entreprise de Pompes Funèbres (2) et pour sa spécialisation dans de bien funestes rapatriements militaires vers la métropole.
Pourquoi Bousfer 8 ans après l’indépendance de l’Algérie ? En accord avec le jeune gouvernement Algérien lié au maintien de l’industrie pétrolière florissante, Bousfer était la tête de pont de l’évacuation des sites d’essais nucléaires d’In Hemguel ou Hammaguir, je ne sais plus, puis de Reggane qui s’est terminée peu de temps après mon arrivée à l’Anjou. Etaient également concernés des sites de tirs de nouveaux lanceurs stratégiques, les fusées Diamant.
En Noratlas, un voyage de 3h30 soit 980 kms vers Istres sans compter le fait prolonger vers le terminus au Bourget-Dugny, 2 bonnes heures de plus ! »
(1) DETAM = Détachement du Transport Aérien Militaire
(2)https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_de_Borniol
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Les souvenirs de Georges Tarante, mécanicien navigant sur Noratlas :
« Sur la photo, l'écusson sur le nez de l'avion est bien celui de la 62 ème Escadre de Transport basée à REIMS et composée des Escadrons VERCORS (ET 01/62) et ANJOU (ET 02/62).
Pour la petite histoire une réorganisation à l'arrivée de la 62ème à Reims a été entreprise :
- Avant la réorganisation, chaque Escadron était doté de ses propres Noratlas (identifié par l'insigne de l'escadron d'appartenance.
De plus le personnel de maintenance était divisé en deux équipes rattachées chacune à un escadron.
- A la réorganisation, les personnels sol ont été regroupés en une seule équipe de maintenance (mise en oeuvre des appareils) commune au deux escadrons, le personnel navigant quand à lui restant rattaché à son Escadron d'affectation.
En ce qui concerne les Noratlas, dans un soucis de disponibilité, ils ont été regroupés pour ne former plus qu'une seule flotte commune aux deux Escadrons, identifiée de ce fait par l'insigne de la 62 ème Escadre.
Dans le méme temps création du 2 eme échelon de réparation et de maintenance (Germas : Groupement d'Entretien et de Réparation des Matériels Spécialisés).
Pour finir en beauté ce petit laïus, j'ai pu compter au plus beaux jours de "La GRISE" à Reims jusqu'à 42 appareils entre l'Escadre et le GERMAS. »
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